LE BÉJART BALLET LAUSANNE AFFRONTE LA TEMPÊTE

Freitag 25.06.21
de: Corinne Jaquiéry

Depuis quelques semaines, le Béjart Ballet Lausanne (BBL) est dans la tourmente. Un premier audit de l’école Rudra Béjart a fait état de graves dysfonctionnements qui a conduit à l’arrêt des cours pour une année au moins, alors qu’un deuxième a été lancé pour la compagnie.

Drogue, insultes, maltraitance psychologique et même harcèlement sexuel, le BBL affronte une tempête sans précédent. Après l’audit mené en février qui a conclu à de graves dysfonctionnements au sein de l’école Rudra Béjart et conduit à l’exclusion du directeur Michel Gascard et de la régisseuse Valérie Lacaze, la structure va fermer durant un an au moins. D’autre part, le directeur de production de la compagnie, accusé de harcèlement sexuel par plusieurs témoins anonymes, est libéré provisoirement de ses fonctions. Les langues se délient et d’autres témoignages de danseuses et danseurs affluent auprès du Syndicat suisse romand du spectacle. On retrouve peu ou prou le même type d’accusations qui avait alimenté, en 2008, la rumeur autour de Gil Roman, successeur et héritier désigné de Maurice Béjart.


La Fondation Béjart Ballet Lausanne ne pouvait rester insensible aux remous. Elle a confié à une société lausannoise le mandat d’audit de l’ensemble de son personnel. Les anciens élèves et collaborateurs pourront également témoigner. L’audit a été confié à Vicario Consulting à Lausanne. Cette société œuvrera en toute indépendance, dans le respect du cahier des charges du mandat, de la confidentialité et de l’anonymat des témoignages, relève le Conseil. L’audit a été diligenté avec effet immédiat. Il se déploiera dans les meilleurs délais, mais sans précipitation, afin de garantir la qualité des entretiens et de l’analyse. Le rapport est attendu pour fin septembre.


Comme annoncé, son périmètre s’étend à l’ensemble du personnel de la Fondation et aux élèves. Par ailleurs, afin de recueillir des témoignages d’ancien.ne.s collaboratrices et collaborateurs et élèves, les auditeurs se mettront à disposition pour les entendre. La teneur de l’audit a été approuvée par le Syndicat suisse romand du spectacle, qui sera également entendu dans ce contexte.


Dans le droit fil de sa volonté de transparence, le Conseil de Fondation a décidé de rendre public le rapport d’audit réalisé en 2008 par un consultant indépendant. Il est mis à disposition sur le site de la Fondation.


Recueillis par Alexandre Demidoff du Temps (18.6.21), les propos d’Ariane Dollfus, journaliste spécialisée qui a interrogé des dizaines de proches du chorégraphe, interprètes, amis et amies, artistes pour son livre, « Béjart. Le Démiurge », paru en 2017 (Arthaud) confirme une manière de fonctionner bicéphale. « Maurice Béjart était un homme généreux, attentif à ses danseurs, amoureux d’eux, et parallèlement lâche », dit-elle. « Il laissait à ses administrateurs le soin de résilier les contrats des danseurs dont il ne voulait plus. Il ne voulait pas paraître méchant, il voulait être aimé. » Selon la journaliste, ses interprètes lui faire allégeance. Ils étaient ses créatures. Quant à la violence verbale reprochée à son successeur Gil Roman, elle serait courante dans le milieu, comme dans le sport. « Dans le monde du sport, c’est la même chose. Jusqu’à la libération de la parole grâce à #MeToo, les danseurs n’auraient jamais osé parler de ces blessures psychologiques. Cette culture de l’humiliation se manifeste aussi sur les scènes de danse contemporaine, dans des centres chorégraphiques nationaux. Mais la parole jaillit et ce qui était admis il y a encore dix ans ne l’est plus. Aucun artiste n’est à l’abri de la rébellion de ses danseurs. Les jeunes refusent ce qu’acceptaient leurs aînés. »


Dernier lever de rideau pour les élèves de l’école Rudra


Le 17 juillet à Martigny, la structure fondée par Maurice Béjart refermera le livre de son histoire en présentant « Études ». Les 27 élèves de l’école Rudra Béjart ne pourront pas poursuivre leur cursus à Lausanne suite à un audit mené en février qui a conclu à de graves dysfonctionnements, et conduit à l’exclusion du directeur, la structure va fermer durant un an au moins.

Les élèves ont cependant fini l’année d’étude sous la direction artistique ad interim de Julio Arozarena, maître de ballet au BBL. Pour couronner ce travail, ils interpréteront «Études» le 17 juillet à Martigny, dans le cadre du festival d’été à l’amphithéâtre romain. Auparavant, ils se produiront au théâtre antique de Vaison-la-Romaine dans le cadre du festival Vaison Danses 21. Une prestation déjà prévue l’an dernier, mais annulée en raison de la pandémie.


« Études » allie danse classique et moderne, chant, placement vocal, percussions et kendo dans une création. «J’ai envie de montrer ce que les élèves étudient et les différentes facettes de leur travail», explique Julio Arozarena qui a aussi ajouté au programme des extraits du répertoire de Maurice Béjart: «Il me paraît important qu’ils aient accès à l’héritage du Maître et qu’ils se l’approprient. C’est un excellent matériel d’études, autant pour la forme, la composition, la musique que pour la théâtralité.»


Lire le rapport d’audit 2008.


Pour le site de la Tribune de Genève.